dimanche 16 janvier 2005

3 moineaux sur les fils du téléphone

Je voulais te dire, aussi :

Dehors, sur le fil du téléphone, trois moineaux blottis attendent. Le monde va trop vite, trop vite. Je voudrais rejoindre une caravane pour avoir le temps de perdre mon temps. Je voudrais aller à Samarcande, parce que le nom de cette cité est splendide.

Ne lis pas ce qui suit, Lucie, tu ne voulais pas connaître la nouvelle et j'ai envie de la raconter. Alors je vais la raconter, à l'encre bleue. Comme ça, tu sauras quand tu pourras recommencer à lire.



La licorne s'appelle Luminalba. C'est la contraction de Lumina alba, lumière blanche en roumain. On a trouvé ça avec Gya.

Quatre saisons, quatre apparences, mais toujours la même âme, toujours la même beauté, qui irradie si fort qu'on en a mal aux yeux et à au coeur, qui qui nous rend si fort et si beaux.

Equinoxe de printemps, petite fée, frimousse pointue et chapeau en corolle de digitale, qui joue parmi les champignons
Solstice d'été, comme une magicienne au sommet de son art, qui habite les lacs et distribue les épées, à la voix qui tonne et à la peau douce
Equinoxe d'automne, vieille enchanteresse fatiguée, qui ouvre la porte des morts et s'en va les rejoindre
Solstice d'hiver, lumière froide, soupir, souffle, esprit qui berce les vivants et leur promet les printemps

Quatre instants pour une licorne à la peau blanche et à la noire crinière, qui rit en s'ébrouant dans la fontaine

Il y aura trois moineaux, qui porteront les voeux et les âmes. Il y aura de l'eau, des îles de feuilles mortes comme des oasis dans l'océan forestier. Il y aura des serments que l'on s'impose et des serments que l'on nous impose. Il y aura des salamandres et des couleuvres qui glissent en silence dans l'onde. Il y aura des ellipses et des licences qui seront des clés, et où seront cachés des messages secrets. Il y aura des silences, aussi, pour que résonne plus longtemps la musique.

Je ne sais pas encore s'il y aura l'inspecteur Leboeuf et Jean Dupont, en voiture, écoutant le Velvet Underground. Je ne sais pas encore s'il y aura une pauvre hère ballotée par le monde. Je ne sais pas encore si cela se passera avant ou maintenant. Je ne sais pas encore s'il y aura un acrostiche.

Mais je sais. Je sais que Ponthus, le postulant chevalier, aimera la licorne. Je sais qu'elle ne lui rendra pas exactement la pareille, même si... Parce qu'il est des mondes qui ne peuvent pas fusionner, tout au plus s'effleurer en de tendres et infimes points de contacts.

Et je sais comment tout cela finira, sous les branches du grand hêtre, quatre fois par an. Avec peut-être des touristes étonnés et incrédules. Avec peut-être un peu de papiers gras et de frites froides, pour faire plus vrai. Mais avec des choses que seuls verront ceux qui ont envie de lire.



Marcel dort sur le bureau, en boule, la queue repliés sous son ventre imposant. Oban et Dulcymer dorment sur le lit. Suzy dort sur la cheminée. Le Chuch dort dans le carton où je range les cartouches d'imprimantes vides. David dort dans son lit. Tout le monde dort ici, malgré le jour qui essaye en vain de percer les nuages. Aurore est partie travailler ce matin très tôt. Elle avait l'air en forme, et ma joue garde encore le souvenir ému du petit baiser qu'elle y a déposé avant de quitter le logis.

Cet après-midi, je vais mettre le vin de noix en bouteille. On le goûtera en dégustant la galette avec Christian et Jasmine, tout à l'heure. Je vais reprendre un café. C'est dimanche. Je suis bien, ici. A lundi, le monde.

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